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#1 19-03-2019 18:45:10

matou
modérateur

L’industrie, l’artisanat cinématographique

Un topic pour parler de l’industrie du cinéma, ses modes, ses avancées technologiques, sa manière de fonctionner.
Mais aussi des courants artistiques, des collectifs ou des artistes ou artisans hors système.

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#2 19-03-2019 22:21:44

matou
modérateur

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

En me penchant sur Lynch, je me suis rappelé cette aventure.
Autre temps, autre mœurs, mais une certaine réalité du monde du cinéma qui existe toujours.
Dur de savoir quels films furent exactement produits.
https://www.unifrance.org/annuaires/soc ? /ciby-2000
https://www.google.fr/amp/s/www.lexpres ? 8.amp.html

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#3 01-06-2019 00:28:41

matou
modérateur

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

Sur les séries tournées en Californie.
https://www.filmla.com/wp-content/uploa ? -208563657

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#4 12-06-2019 00:13:23

matou
modérateur

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

Vous voulez lire la pensée unique actuelle et sa vision du public?
https://mobile.lesinrocks.com/2019/06/0 ? hollywood/

En résumé, c’est la faute du public si les auteurs disparaissent...
Oui il y a des fans idiots et bruyants. Cela a toujours existé. La différence c’est que internet leur a donné une caisse de résonance.
Sauf que pour ces fans, il y en bien d’autres plus ouverts.
Sauf que cette pensée unique amalgame tout.
Si des produits ont déçu, il y a aussi à se poser des questions sur les choix de leur conception. C’est une question rationnelle et honnête intellectuellement.

GoT et SW cités dans l’article, c’est le public qui les a amené sur le devant. C’est donc bien malhonnête de ne vouloir des réactions du public que quand il va dans le sens de « apprecie, porte au triomphe ».
Souvent le public ne sait pas mettre des mots sur ce qu’il l’a gêné. Cela ne disqualifie  pas son ressenti pour autant.

Un peu d’histoire :
https://www.fabula.org/colloques/document5812.php

PS: bravo pour le défenseur des plots holes, cf le premier article

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#5 12-06-2019 11:38:40

Prelogic
Legaliste

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

Cet article est moins intéressant en termes de constat que de regard qu’il pose sur le public. L’auteur ne fait aucune distinction et se contente de verser dans l’amalgame, tout en alimentant la rhétorique du système. Au final, on se demande moins s’il s’agit d’un cri d’amour lancé aux « artistes » que d’un réquisitoire en règle contre les libertés individuelles.

La réponse à la question soulevée par le titre est pourtant limpide, et ne nécessite pas un développement soutenu : les communautés d’intérêt ne devraient à aucun moment constituer une entrave à la libre expression des artistes. Celles-ci vivent une vie parallèle qui n’a nullement besoin d’être alimentée par des logiques de relation publique. Les réseaux sociaux poussent malgré tout à engager le dialogue avec les fans, qui disposent dès lors d’un formidable moyen de pression sur les artistes. Sans parler de la lâcheté latente des producteurs et PDG, dont la mission auprès du Conseil d’Administration s’en trouve facilitée.

Il faut dire aussi que l’arrivée au pouvoir des Millenials n’aide pas davantage : traumatisée par la période très prolifique des années 70 et 80, cette génération dispose désormais d’un pouvoir d’achat et ne jure plus que par les valeurs sûres, celles qui ne déçoivent pas l’enfant intérieur – d’où la tentation hégémonique du retro-marketing qui produit un cinéma de très mauvaise qualité la plupart du temps, car incapable d’interroger cette relation abusive.

Le cinéma est d’abord, à l’origine, un art, un moyen d’exprimer un point de vue individuel sur le monde quelle que soit la qualité de ce point de vue par ailleurs. Même si l’art (cinématographique en particulier) a progressivement ingéré le modèle capitaliste et ses contraintes économiques, il reste au final des décisions humaines qui aboutissent à un résultat objectivement mesurable. Se plier aux « exigences » du modèle économique, c’est faire un choix, subi ou non.

Quand Bob Iger parle de « portefeuille de contenus de classe mondiale » au moment du rachat de Lucasfilm, cela indique un certain état d’esprit. Lorsque Kathleen Kennedy recrute des jeunes profils sur la base de leur amour inconditionnel pour la trilogie classique, cela est un choix qui a des conséquences mesurables sur la réputation de marque, conçue comme une alternative aux logiques de studio traditionnelles. Et on ne peut pas ignorer le fait que la saga Star Wars se construit à l’heure actuelle contre la vision d’artiste de George Lucas, au profit d’une logique de communication systématique pour tenter de consolider la réputation de marque.

On remarque d’ailleurs, pour Star Wars comme pour Game of Thrones, que l’absence de direction et de vision conduit à une baisse de qualité ou a des choix précipités. Des super-producteurs compétents se retrouvent démunis, face à des aspects artistiques diffus qu’ils ne maîtrisent pas, et dès lors que le matériau de base s’estompe.

*Sinon, merci pour le topic, je tâcherai d'y contribuer à la mesure de mes modestes moyens.

Dernière modification par Prelogic (12-06-2019 11:39:16)


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#6 03-09-2019 18:15:41

Prelogic
Legaliste

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

Je vous partage une interview très intéressante de Jean-Baptiste Thoret, directeur de collection DVD pour les éditions Canal+. Jean-Baptiste est un passionné des films de niche et dresse un constat pertinent sur la relation du public aux années 70 / 80. Je pense que certains éléments de cette analyse trouvent tout à fait leur place sur ce topic !

***

Rencontre avec Jean-Baptiste Thoret, dont la collection DVD Make My Day reflète ses goûts éclectiques pour un cinéma au-delà des clivages entre films de genre et films d’auteurs.

À l’origine critique, puis historien, théoricien du cinéma et réalisateur, Jean-Baptiste Thoret nous parle de sa collection de films Make My Day qu’il dirige pour les éditions StudioCanal. Tous ces titres ont en commun sa volonté de les défendre et de les faire découvrir. Des premiers films d’Alain Corneau et Bertrand Blier, à Mario Bava, en passant par Peter Bogdanovich, Richard Fleisher ou Nagisa Oshima, le panorama inédit d’un cinéma autre qui brise les barrières entre films de genre et films d’auteur.

***

France Info Culture : Votre collection Make My Day rassemble des films pour beaucoup des années 70, rares ou indisponibles depuis longtemps, voire inédits. Pourquoi cette collection et cet intitulé ?

Jean-Baptiste Thoret : Make My Day, parce que cela signifie faites-moi plaisir. Pour moi, le cinéma relève du plaisir, du divertissement, de la jouissance. Je crois au cinéma qui peut faire jouir et faire réfléchir en même temps. On n’est pas obligé de s’ennuyer pour réfléchir et de se divertir stupidement. Quand je vois des films de Risi, de Bertolucci, de Cimino, de Peckinpah, je ne me dis pas c’est ou ce n’est pas un film d’auteur, peu importe. Est-ce que La Prisonnière du désert de John Ford est un film pour intellos ou pour le grand public ? Je n’en sais rien. Les grands films s’adressent à tous les publics. Et à tous les âges où vous pouvez le voir. Que vous le voyiez à 20 ans, à 40… vous découvrez d’autres choses. On ne voit pas Le Guépard à 20 ans, comme à 40 ou à 60, ou plus tard.

Concernant l’origine de la collection, elle vient de Canal+. Quand Bolloré est arrivé à la tête de la chaîne, ils se sont rendus compte qu’ils avaient un catalogue de films énorme, 15 000 à 18 000 titres, et que très peu étaient exploités, seulement 5 à 6%. De plus, ils ne savaient pas ce qu’ils avaient dans ce catalogue, ce capital dormant. Sur les 18 000 titres, ils en connaissaient 300. Ils sont donc venus me voir pour savoir si j’estimais que des titres valaient la peine de sortir. À la lecture des titres, c’était évident, et de fil en aiguille, ils m’ont demandé si je voulais faire une collection. J’ai donc été d’accord, à la condition d’avoir carte blanche, du choix du film à la conception de la jaquette, en passant par les bonus, les compléments…

Quant au nom de la collection, il vient d’une réplique de Clint Eastwood dans Magnum Force (Don Siegel, 1973) quand l’inspecteur Harry procède à une arrestation, en menaçant son suspect de son arme. Il lui dit "Make my day", "Fais-moi plaisir".

France Info Culture : Le marché du DVD/Blu-ray n’est pourtant pas très favorable au lancement d’une collection aujourd’hui ?

Jean-Baptiste Thoret : Oui, il ne faut pas se leurrer. La vingtaine d’éditeurs qui s’intéresse au cinéma patrimonial ne survit que grâce à l’aide du CNC (Centre National du Cinéma). De plus, ces films touchent un public de cinéphiles, et relèvent donc d’une diffusion réduite, entre 400 et 1500 unités. C’est ça, la réalité du marché aujourd’hui. Quitte à toucher cette communauté, 50 000, 100 000 personnes, je ne saurais pas trop la quantifier, eh bien, respectons-la et allons-y franco. J’ai vu plus d’un éditeur à la programmation exigeante, mais qui d’un seul coup se sont mis à faire marche arrière, notamment sur les compléments. Alors qu’il y a une réelle demande. Les cinéphiles n’en ont jamais assez quand on leur parle de cinéma.

Après, j’avais quelques idées sur le type de films, mais il n’y a pas de ligne éditoriale dans la collection. Ma seule ligne, c’est que ce sont des films que j’aime. Il n’y a pas de catégorie, cinéma asiatique ou années 70… Le seul point commun c’est que ce sont des films à 90% inédits et que j’ai envie de défendre. C’est ce qui me plaisait en me lançant dans cette collection, c’est qu’il y ait de tout. Si je n'avais réussi qu'à éditer Mandingo (1975) de Richard Fleisher, j'aurais déjà fait le job.

Je suis très heureux par exemple de sortir en double programme France Société anonyme (1974) d’Alain Corneau et Hitler... connais pas (1963) de Bertrand Blier, deux premiers films pratiquement inconnus de grands réalisateurs. En plus Blier a accepté un entretien un peu long et il était très content d’en parler.

France Info Culture : Le Cinéma à beaucoup à voir avec l’enfance, non ?

Jean-Baptiste Thoret : Évidemment, c’est très vrai. J’aime les cinéastes qui ont un problème avec l’âge adulte, qui sont des enfants mélancoliques. Peckinpah, Cimino, Melville, Leone… tous ces gens-là ont gardé une sorte de naïveté, de fraîcheur, d’enthousiasme. Ils ne sont pas naïfs, loin de là… mais quand-même. C’est un peu ce que voulait dire Orson Welles quand il comparait la réalisation d’un film à un "grand train électrique".

France Info Culture : Avec votre documentaire We Blew it (2017) vous reveniez sur le cinéma et les réalisateurs des années 70, quel regard portez-vous sur cette époque ?

Jean-Baptiste Thoret : Pour moi, les années 60-70 sont une espèce d’âge d’or, à la fois du cinéma, de la musique, de la politique… C’est un âge d’or du cinéma parce que c’était une grande époque. Sans doute que des cinéastes de cette période n’auraient pas fait d’aussi grands films dix ans plus tard ou dix ans avant. Il y a un moment de grâce qui irait de la moitié des années 60 jusqu’à la fin des années 70. C’est vrai en Italie, c’est vrai au Japon, c’est vrai aux États-Unis, mais sans doute un peu moins vrai en France.

C’est comme ça que je suis entré dans le cinéma. J’ai vu les films de Peckinpah avant ceux de Ford. Dans les années 80, on commençait à voir des films en vidéo, il y avait l’apparition de Canal+, et j’ai découvert ainsi beaucoup de films de cette période-là, puis je suis allé vers les classiques après avoir vu les films des seventies. Je crois en plus que c’est le dernier âge d’or. C’est ce qui m’intéressait en réalisant We Blew it : comment cet âge d’or a pris fin ? Comment s’est refermée une telle parenthèse enchantée ? Alors apparaissent des raisons politiques, industrielles, une lassitude des gens… Comme disait Fitzgerald, l’assiette se casse, mais elle était fêlée depuis longtemps. J'ai donc mené mon enquête, je suis parti à la rencontre de personnes de cette époque-là aux États-Unis, pour savoir si ce n’était pas un regard européen, un fantasme d’Européen de voir les années 70 comme un âge d’or. Et puis je voulais savoir comment ils interprétaient cette fin, comment ils s’en étaient remis ou pas, comment ça a disparu et pourquoi ça continue de hanter notre époque.

France Info Culture : Qu’entendez-vous par hanter notre époque ?

Jean-Baptiste Thoret : Pour moi, parler des années 70, c’est parler d’aujourd’hui. Pourquoi notre époque est à ce point hantée par les années 70 ? Le dernier Tarantino (Once Upon a Time… in Hollywood) se déroule en 1969 par exemple. C’est dire que notre époque n’a pas d’horizon. Cette fascination pour les années 70 traduit quelque chose de très inquiétant sur notre présent. Comme si l’on ne regardait plus que dans le rétroviseur.

Dans les années 60-70, tout un chacun aspirait à être différent, l’on cherchait des musiques, des livres, des films, des cultures différentes. Aujourd’hui, il semble que tout le monde veuille voir la même chose. Il faut avoir lu ou vu ceci ou cela… Étes-vous d’accord avec ce constat ?

Aujourd’hui on cherche la conformité, comme si la masse tuait la culture de masse, Baudrillard a très bien expliqué cela. Ce qui dominait dans les années 70, c’était la singularité, donc une période d’inventivité, d’euphorie, de liberté, alors qu’aujourd’hui, on est dans une époque extrêmement conformiste, puritaine, fermée. Donc, les années 70 sont un âge d’or pour toutes ces raisons. Ça a toujours été un phare pour moi. Depuis, on ne cesse de régresser. Ce phénomène m’intéresse. Cette obsession des années 70, on la retrouve chez des cinéastes comme James Gray, David Fincher, Michael Mann, tous ces gens ne font que dialoguer avec les années 70. Mann m’intéresse particulièrement car il est le seul à traiter des années 70 tout en parlant de l'époque actuelle. Je le mets à part, pour moi, Mann est le plus grand cinéaste américain en activité. Comme dirait l’autre, les aigles ne volent pas au milieu des pigeons.

Cet intérêt pour les années 70 aujourd’hui démontre bien la pauvreté de notre époque contemporaine. Ce qui ne veut pas dire que c’était mieux avant, dire cela ou que c’était moins bien avant est ridicule. Il faut simplement évaluer le devenir des choses. Un domaine où c’est particulièrement vrai, est la musique de film. Où sont les Morricone, les Mancini, les Schifrin, les de Roubaix d’aujourd’hui ?

France Info Culture : Vous êtes réalisateur, mais aussi compositeur de musique.

Jean-Baptiste Thoret : La musique, avec le cinéma, est mon autre passion. Pour moi, le cinéma est indissociable d’une bande originale. Quand on pense à Leone, Melville, Siegel, ou Les 7 Mercenaires, on a tout de suite Morricone, Bernstein ou Schifrin en tête. Que serait The Party sans la musique d’Henry Mancini ? Dernier domicile connu sans François de Roubaix, ou Le Samouraï sans Delerue ? En Italie, quand on pense à Cipriani, Nino Rota… Aujourd’hui, la culture musicale des cinéastes est faible. On ne peut pas demander à des boîtes de vous fournir une musique pour un film. Cela doit venir du cinéaste. Il y a bien sûr encore de bons compositeurs, comme Zimmer, mais il n’y a pas le foisonnement que l’on trouvait dans les années 70.

France Info Culture : Depuis ses débuts, le bruit court que le cinéma est mort. La fin des Lumière, la fin de Méliès, la fin du muet allait enterrer le cinéma en passant au parlant, l’arrivée de la télévision, et on se souvient des déclarations de Wim Wenders dans les années 70 sur la mort du cinéma… Ne pourrait-on pas dire à l’inverse qu’à chaque fois, il y a un cinéma qui meurt, et un autre qui naît ? Que le cinéma est un phénix qui renaît toujours de ses cendres ?

Jean-Baptiste Thoret : Non, je ne crois pas. J’aimerai bien me dire ça. Penser que le cinéma est mort depuis ses débuts, et en déduire qu'il n’est pas plus ou moins mort ou vivant aujourd’hui à cause de cela, est une erreur. À mes yeux, avec l’arrivée du capitalisme culturel et l’évolution du mode de production, des choses ont été fixées dans les années 80 dont on n’est pas sorti depuis. Je ne vois pas de renouveau. Il y aura toujours un cinéma sud-coréen, où à tel endroit, à Hong Kong ou ailleurs qui renouvellera les choses. Mais je pense qu’en Occident, c’est très compliqué. Le vrai problème est que plus l’industrie domine, plus elle produit des films de super-héros, ou plus globalement du cinéma mainstream, Ce qui m’inquiète n’est pas tant qu’il y ait des films de super-héros, mais qu’ils marchent. Car cela veut dire que les regards ont été formatés : cela fait maintenant 30 ans que ça dure. Le problème, c’est la quantité de ces films.

France Info Culture : Mais cela entraîne le public à aller encore dans les salles de cinéma et peut-être l'inciter à aller voir autre chose.

Jean-Baptiste Thoret : Il y a une quarantaine d’années, les gens allaient collectivement au cinéma, il y avait de la place dans les revues pour en parler, on en parlait à la télévision, à la radio. C’était quelque chose qui était partagé par la collectivité. Par les classes moyennes, qu’on soit intello ou non, ou ouvrier, on allait au cinéma. Aujourd’hui, le cinéma n’intéresse plus personne. Il y aura toujours des exceptions qui confirment la règle, comme le succès de Parasite en ce moment, mais ce n’est pas la généralité. Cela me rappelle ce que me disait Paul Schreider dans We Blew It, quand il estimait qu’aujourd’hui le cinéma est devenu de la musique classique. Il signifiait que la musique classique n’est pas morte, mais qu'elle ne touche plus qu’une communauté de gens initiés, même si tout le monde à vaguement entendu un Mozart, un Vivaldi, Beethoven, etc… Quand je dis cela, je parle du cinéma, comme art, comme langage, pas des films. La génération qui vient se fout complètement du cinéma. Elle va de temps en temps voir un film de super-héros ou n’importe quoi, elle voit des séries télés, elle voit des vidéos sur YouTube, elle ne comprend quasiment plus ces images-là. Je crois donc que le cinéma est la musique classique d’aujourd’hui. Il touchera toujours une communauté, avec parfois un film qui sera vu par un grand nombre de spectateurs, mais c’est l’exception.

On arrive à un moment où le cinéma devient un truc réservé à des initiés. Or le cinéma a été d’abord un art forain, de tripots, de bordels, un art populaire. Et puis, il a commencé dans les années 50 à être un peu plus élégant, la critique est née, puis est arrivée la Nouvelle Vague, le Nouvel Hollywood… Il reste aussi assez populaire dans les années 60-70, c’est l’âge d’or dont on parlait tout à l’heure. Dans les années 70, les grands films déplaçaient des foules. C’est ça qui est phénoménal à ce moment-là, cette coïncidence entre le populaire et les grands films. Les chiffres de la fréquentation étaient colossaux. Et peu à peu, le cinéma s’est rétracté pour plein de raisons. Aujourd’hui, le cinéma, c’est fini. Ça continuera toujours sur le mode qu'on connaît actuellement, mais maintenant, c’est la série télé qui domine.

France Info Culture : Comment interprétez-vous ce transfert ?

Jean-Baptiste Thoret : Aujourd’hui, c’est le sentiment de vitesse qui domine. Le cinéma suppose du temps, de la distance. La série TV est chronophage, elle réclame du temps de cerveau disponible, pour reprendre la formule de Patrick Le Lay (alors PDG de TF1), mais ce n’est pas un art du temps. Le succès des séries reflète un désir d’histoire et de personnages. Le cinéma n’a rien à voir avec ça. Cela participe du cinéma bien sûr, mais le cinéma est avant tout une expérience, où interviennent la contemplation, le temps, l’espace… Quand on voit un film d’Antonioni par exemple, vous imaginez un film d’Antonioni en série ? Ses films ne reposent pas sur les personnages, sur l’histoire ou sur le cliffhanger qui oblige le spectateur à savoir ce qui se passe à la fin d'une scène ou d'un épisode. Cela fonctionne donc sur autre chose. Il n’y a pas d’esthétique de la série, même s’il y a de bons chef-op et de bons chefs déco, ce n’est pas ce que je veux dire, mais la série, en fait, ne raconte rien de plus que son scénario. Pour moi, le cinéma commence là où le scénario s’arrête. Il n’y a pas de plan dans la série, il y a des images. Quand les gens disent c’est beau, ils confondent le travail du metteur en scène et du chef déco, ou du costumier.

France Info Culture : D’où viendrait ce malentendu ?

Jean-Baptiste Thoret : Il y a une régression de la qualité des regards. Ce qui explique aussi la fin de la critique. Elle ne parle quasiment plus à plus personne, du moins au plus grand nombre. L’opinion a remplacé la critique, ça n’a rien à voir. La fin de la critique est liée à l’industrie, qui détériore les regards par l’uniformisation. Si bien que le public ne sait plus lire une critique de film. Quand vous faites référence à Fritz Lang, Murnau ou King Vidor, vous parlez chinois. Il n’y a donc plus qu’une petite communauté d’initiés qui comprend. La mort du cinéma va de pair avec la mort de la critique.

Dans l’histoire de l’art, on est passé de l’opinion à la critique qui est parvenue à s’imposer. La critique ce n’est pas rien, car elle repose sur l’argument rationnel, la culture, le savoir… On était passé de l’opinion à la critique et on a régressé en revenant à l’opinion. On pense aujourd’hui que l’opinion, c’est la critique. L’argumentation en pâtit. Comme je dis souvent à mes enfants, On a les goûts qu’on peut, pas les goûts qu’on veut.

Source : France-Info

Dernière modification par Prelogic (03-09-2019 18:58:50)


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#7 01-03-2020 23:39:24

Pok
vétéran

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

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#8 02-03-2020 10:42:08

Prelogic
Legaliste

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

Le sujet de la vidéo est intéressant, mais le titre est relativement malhonnête, et surfe allègrement sur la vague de contestation anti-CGI. Je pense qu’il serait intéressant de retracer l’évolution des effets spéciaux et de l’animation, de manière à ce que l’on comprenne bien que les « fonds verts » sont une technique utilisée depuis très longtemps, avec plus ou moins de succès – revoir à ce titre la course de Speeder-Bike du Retour du Jedi, et comparer avec la course de Pods de La Menace Fantôme. Ou encore, les essais abandonnés pour A New Hope, où Luke traverse le désert avec 6PO dans son Speeder, avec un projecteur en toile de fond simulant la vitesse.

Cette nouvelle technique d’affichage LED n’est que le prolongement naturel d’une réflexion qui part de très loin : comment reproduire le réel à la perfection, et gommer les artifices ? Pour cela, la R&D est l’unique recours. Juste dommage qu’une série au propos relativement anecdotique dans l’univers de SW se penche sur cette question, tandis que les films de la saga pataugent dans des considérations techniques snobinardes.

Dernière modification par Prelogic (02-03-2020 10:43:42)


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#9 02-03-2020 19:54:15

Pok
vétéran

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

Ah tiens, je n'avais pas vu de sens anti-CGI dans le titre, bien qu'il soit un peu prématuré en l'état d'annoncer la fin des fonds-vert, c'est vrai. D'autant que ça reste du CGI, mais le gros de la post-production est ramené en amont, et pendant tournage, avec les avantages (artistiques et financiers) assez bien mis en évidence, et sans doute quelques limitations/faiblesses encore. On revient finalement ici à la bonne vieille technique de projection sur un écran en arrière plan, mais le film projeté est remplacé par un environnement 3D calculé en temps réel.

Jusqu'ici on disait que les jeux vidéos ressemblaient de plus en plus au cinéma. Désormais c'est le cinéma (du moins les séries) qui risque de ressembler de plus en plus aux jeux vidéos. L'Unreal Engine, quelle technologie quand même!

La vidéo d'ILM:

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Dernière modification par Pok (02-03-2020 20:29:23)


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#10 06-04-2020 16:06:47

Prelogic
Legaliste

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

Le monde selon Disney

Mais qu’y a-t-il entre les deux grandes oreilles de Mickey ? Le personnage emblématique de Disney est à l’image du géant : familial, policé, à l’abri des polémiques… Mais il n’est plus le seul habitant du royaume enchanté, où il doit cohabiter avec les héros de Pixar, Marvel, Lucasfilm et la Fox. Immersion dans la psyché du plus grand groupe de divertissement de la planète, qui s’apprête, le 7 avril, à lancer sa plateforme de vidéo à la demande, nommée Disney +.

Bob Iger est-il allé trop loin ?

Le patron de Disney, groupe qu’il a dirigé pendant quinze ans avant de passer la main fin février, a mis en colère Abigail Disney. Comment cet homme affable, ce magicien de Hollywood qui a fait fructifier les affaires du géant du divertissement au point de multiplier par cinq sa capitalisation boursière (de 48 à 240 milliards de dollars), a-t-il pu froisser la petite-fille de Roy O. Disney, cofondateur des studios avec son frère Walt ?

En avril 2019, cette démocrate convaincue, qui milite pour taxer davantage les grandes fortunes, a contesté, sur Twitter puis dans une tribune publiée dans le Washington Post, la « rémunération insensée » du PDG : 65 millions de dollars en 2018, soit 1 400 fois le salaire médian de ses salariés.

« La marque Disney occupe une place spéciale dans notre paysage économique, a fait valoir la millionnaire. Ses profits sont alimentés par les émotions, les sentiments et – oui – quelque chose d’aussi fondamental que la différence entre le bien et le mal. Je pense que Disney pourrait très bien montrer la voie, si ses dirigeants le choisissent, vers une manière plus humaine et digne de faire des affaires. »

Dans cette alliance du cœur et du capital, des valeurs vertueuses et des billets verts, tout est dit, ou presque, sur les principes revendiqués par le groupe depuis ses débuts. Après une première réponse outragée de la communication de Disney, Bob Iger n’a pu que s’incliner. « Nous allons rechercher des dizaines de solutions pour essayer d’améliorer les conditions de vie de nos employés, et si elles ne fonctionnent pas, nous en trouverons des dizaines d’autres, a-t-il assuré dans le New York Times. Nous devons faire mieux. »
Polémique et père fondateur

Chez Disney, on fuit la polémique, surtout quand elle porte sur des questions d’argent. Mais cette passe d’armes ne serait pas seulement motivée par des raisons financières. Depuis quelques années, Bob Iger a entrepris un aggiornamento des valeurs canoniques héritées de Walt Disney.

Après avoir fait entrer les trublions de Pixar, les super-héros de Marvel et les Jedi de Star Wars dans le royaume enchanté, il a laissé Tim Burton, qui entretient une relation tumultueuse avec la maison où il a fait ses débuts, s’en prendre au père fondateur… Dans sa version en prise de vues réelles de Dumbo (2019), le cinéaste invente un personnage inquiétant dont les initiales forment un W… V.A.

Vandevere, patron fantasque de Dreamland, gigantesque parc d’attractions qui ressemble à s’y méprendre à Disneyland, souhaite faire de Dumbo le clou de son spectacle. La fin justifiant les moyens, il envisage de se débarrasser de la mère de l’éléphanteau et de l’équipe de Circassiens qui les accompagnait !

Une critique féroce et à peine voilée de Walt Disney, qui, à la suite d’une grève dans ses studios en 1941, avait licencié les meneurs du mouvement. « Tim Burton était en service commandé », croit savoir Christian Chelebourg, professeur d’études culturelles à l’université de Nancy et auteur de Disney ou l’avenir en couleur (1). « Iger prend ses distances avec le père fondateur, comme s’il commençait une nouvelle histoire. C’était le coup de trop : la pique d’Abigail Disney était aussi une façon de dire au PDG qu’il allait trop loin. »

Des obsessions communes

Bob Iger et Walt Disney partagent pourtant de nombreux points communs. Autant de traits qui ont façonné leur mode de pensée et leur système de valeurs. Leurs pères sont tous deux des hommes exigeants. Arthur Iger, conseiller commercial dans une agence de pub, l’est d’autant plus qu’il a le sentiment d’avoir raté sa vie professionnelle. Il mise dès lors beaucoup sur la réussite de ses enfants, comme le raconte Robert Iger dans son autobiographie (2).

Pour gagner son argent de poche, le jeune Bob commence à faire des petits boulots dès l’âge de 13 ans. Il devient, durant l’été, agent d’entretien des écoles de son quartier, à Long Island, près de New York. « Gratter les chewing-gums collés sous des milliers de tables d’école peut forger le caractère », écrit-il. Comme tout bon self-made-man américain, il est déterminé à ne pas laisser son avenir lui échapper.

La même obsession habitait Walt Disney, qui s’est vu aussi dans l’obligation de travailler très jeune. Dès l’âge de 10 ans, son père le fait trimer, ainsi que son frère, dans sa petite entreprise de livraison de journaux de Kansas City (Missouri). Levé avant l’aube, il se rend ensuite à l’école où il accumule les mauvaises notes après s’être endormi en classe.

« L’enfance de Walt est tout sauf un film de Disney ! s’exclame Christian Chelebourg. Roy, l’aîné, a toujours protégé son petit frère contre les violences de leur père et les difficultés d’une existence de labeur et de misère. Cette enfance volée, Walt Disney essaye de la transcender à l’âge adulte. Comme il était opposé à toute étude psychanalytique de ses films, il n’a rien dit à ce sujet, mais son attrait pour les mondes imaginaires, sa fascination pour les personnages de méchants et son refus de la violence sont autant de façons de conjurer ces souvenirs. »

Business et progressisme

Walt Disney se lance donc à corps perdu dans le dessin animé, un secteur balbutiant au moment de la création du Disney Brothers Studio en 1923. « Il veut être le premier en tout, c’est dans son ADN. À terme, il faut que le public “rêve Disney”. Quand il crée Mickey en 1928 avec l’animateur Ub Iwerks, c’est après une blessure d’orgueil : il a été dépossédé du personnage d’Oswald le lapin chanceux par Universal, rappelle Serge Bromberg, fin connaisseur des premiers âges du 7e art.

Il se bat ensuite pour chiper les meilleurs talents à ses concurrents, pour sortir le premier dessin animé en Technicolor. De la même façon, quand Bob Iger rachète Pixar, Lucasfilm et Marvel, c’est parce que ce sont les meilleurs dans leurs domaines. C’est une guerre de position que mène le groupe. »

Bob Iger partage un semblable penchant pour la technologie que son illustre prédécesseur. « Quand quelque chose cassait à la maison, ma mère me demandait de le réparer. C’est de là qu’est née ma curiosité pour la technologie, écrit-il. Dès les premières années de Disney, Walt la voyait comme un puissant outil pour raconter des histoires. Nous devons aujourd’hui doubler la mise, en l’utilisant pour atteindre les consommateurs de façon plus moderne et pertinente. » Une allusion à l’extension des activités de la compagnie à la diffusion en ligne avec le lancement de la plateforme de vidéo à la demande Disney +.

Politiquement, les deux hommes ne sont pas très éloignés, du moins à leurs débuts. Bob Iger a grandi dans une famille très à gauche. Son père a même perdu un emploi après s’être absenté, sans l’accord de son patron, pour entendre l’historique « I have a dream » de Martin Luther King, à Washington en 1963.

Et, contrairement à ce que l’on pourrait croire, Walt Disney n’a pas toujours été le défenseur des valeurs conservatrices de l’Amérique Wasp (White Anglo-Saxon Protestant, archétype des descendants des immigrés anglo-saxons protestants et blancs). Walt Disney reste pendant longtemps dans le camp démocrate. « Le Midwest où il a grandi est, dans les années 1920 et 1930, une terre de progressisme, car les paysans y sont exploités par les grands propriétaires terriens, voire expulsés par les constructeurs de voie ferrée », rappelle Thibaut Clément, maître de conférences en civilisation américaine à Paris-Sorbonne et auteur d’une thèse sur les parcs Disney (3).

Dans les tout premiers courts-métrages mettant en scène Mickey Mouse, la petite souris est un personnage turbulent et fêtard. Steamboat Willie (1928) le voit défier le capitaine tyrannique d’un bateau à vapeur, et dans Plane Crazy (1928), il vole des baisers à Minnie à bord d’un avion ! « Ses personnages sont des forces de destruction quasi anarchistes, analyse Thibaut Clément. Le studio reçoit d’ailleurs des lettres de parents s’inquiétant de l’exemple donné à leurs enfants. »

De l’émotion à l’achat

Chez Disney, le conservatisme se fait jour quand le studio gagne la confiance des familles qui associent de plus en plus ses productions au jeune public. « La”grande dépression” encourage à chercher de nouveaux marchés. Celui de l’enfance est régulier et profitable. Lancé en 1930, le Mickey Mouse Club, programme de courts-métrages projetés dans les salles de cinéma et accompagné d’activités et de concours, permet de fidéliser les jeunes spectateurs et de les orienter vers les magasins de jouets », expose Thibaut Clément.

Dans la maison de Mickey, la création et le commerce sont intimement liés : « L’émotion, la joie et l’émerveillement passent par l’achat, poussant les enfants à adopter des comportements consuméristes », note Alexandre Bohas, professeur d’affaires internationales à l’Essca et auteur de Disney. Un capitalisme mondial du rêve (4).

« Suivant une logique avant tout industrielle, Disney s’efforce d’attirer de nouveaux spectateurs en se différenciant de ses concurrents. Comment ? Par l’art du récit et le réalisme visuel, estime Thibaut Clément. L’animation s’écarte des effets de déformation des cartoons que représentent Mickey et Donald pour épouser un imaginaire illusionniste, un réalisme hybride destiné à suspendre l’incrédulité des spectateurs. Walt s’oriente vers des histoires plus longues et plus structurées, qu’il va chercher du côté de fables européennes dont la valeur morale est susceptible de séduire les familles. »

Il est comparé à La Fontaine par le cinéaste soviétique Sergueï Eisenstein, qui l’a rencontré dans les années 1930. À l’instar du fabuliste qui « apparut comme un défi à la logique cartésienne », « l’Amérique et la logique de la standardisation ont produit Disney, comme une réaction naturelle », écrit-il dans un essai consacré à celui qu’il admirait et considérait comme son rival (5). Quatorze des dix-sept longs-métrages produits du vivant de Walt Disney sont des adaptations de contes de Charles Perrault ou des frères Grimm. Ou des deux.

C’est le cas de Cendrillon (1950), dont l’adaptation est loin d’être innocente. Pour Robin Allan, auteur d’un essai sur les influences européennes de ces dessins animés, l’héroïne reflète l’image de la passivité féminine du XIXe siècle, renvoyant la femme américaine active des années 1950 à ses tâches domestiques d’avant-guerre. « La symbolique sexuelle du conte, incarnée par la pantoufle de verre, est évacuée au profit d’une vision lisse et aseptisée », juge Rafik Djoumi, spécialiste de la culture populaire.

L’ordre et la morale

Tout ce qui peut susciter la controverse est banni : le sexe et la violence, la politique et la religion. Seule la famille est promue. « Créée en 1966 à Disneyland, l’attraction It’s a Small World, qui met en scène des marionnettes habillées avec des costumes du monde entier, célèbre l’universalité de l’humain, analyse Serge Bromberg. Dans un monde où l’on parle de moins en moins le même langage, Disney cherche à ériger une sorte de contre-Babel avec des personnages qui parlent à tous. »

Pour Christian Chelebourg, « la grande boussole des studios, du temps de Walt jusqu’à Bob Iger, est la morale des pères fondateurs de la démocratie américaine ». Un libéralisme humaniste qui permet de remédier par la fiction au malheur du monde. Le happy end doit conclure chaque film, mais aussi le destin de l’humanité.

L’avenir est meilleur que le passé. Et pour réussir, le héros doit s’en donner les moyens : « Dans Le Roi lion (1994), Simba est légitime pour accéder au trône, mais tant qu’il n’a pas fait la preuve de son courage, il ne pourra pas s’imposer. Dans Zootopie (2016), la jeune lapine n’a pas le gabarit pour devenir policière aux côtés d’éléphants et de rhinocéros, mais elle finit par faire son trou. »

L’individualisme est ainsi préféré aux actions collectives qui ne sont pas forcément bien vues, surtout quand elles émanent des studios mêmes. Volontiers paternaliste, Walt Disney est choqué par la grève de 1941, dont il sort très amer. Il n’hésitera pas à témoigner contre certains des meneurs présumés communistes, lors de la « chasse aux sorcières » orchestrée par le sénateur McCarthy au début des années 1950…

Enfance et mondes imaginaires

Il se réfugie par la suite dans ses paradis perdus. L’enfance en est un. Ou plutôt « un paradis retrouvé, matérialisé par le seul dessin », selon la formule de Sergueï Eisenstein. Un éden qu’il cherche à recréer dans ses productions animées mais aussi à Disneyland, à partir des rares moments heureux de son enfance passée à Marceline, petite ville typique du Missouri.

« Main Street, la rue principale du parc d’attractions ouvert en 1955, est une version idéalisée, enjolivée de Marceline : des trottoirs pavés de briques rouges, pas de fils électriques ou télégraphiques anarchiques, pas de publicités criardes, décrit Thibaut Clément. C’est le Midwest, celui des pionniers, au tournant du XIXe et du XXe siècle, qu’il veut représenter : une Amérique insouciante, confiante dans le progrès et les changements de la deuxième révolution industrielle. Le parc véhicule en creux un projet historiographique très conservateur : Frontierland promeut la conquête de l’Ouest, en faisant l’impasse sur tout le potentiel de violence de cette époque, les massacres des Indiens bien sûr, mais aussi les injustices sociales vécues par les fermiers que Walt Disney a connus étant jeune. »

Le succès est au rendez-vous car le parc entre en résonance avec l’Amérique opulente des années 1950, dont Disney soigne les angoisses nées de la guerre froide, celles des visiteurs comme celles de Walt. Il vient souvent dormir à Disneyland, un univers rassurant, clos, dans lequel on ne peut pas être atteint par le mal, par la difficulté du monde adulte…

Un vent de nouveauté

Disneyland sert aussi de baromètre pour les dirigeants de Disney. C’est là que Bob Iger a l’idée d’élargir ses horizons. Le 12 septembre 2005, alors qu’il assiste à la cérémonie d’ouverture du parc de Hong Kong, défilent sous ses yeux les personnages des films de l’époque de Walt Disney : Blanche-Neige, Cendrillon, Peter Pan… Puis ceux des succès des années 1990, Ariel la petite sirène, Aladdin, le roi lion Simba… Mais « il n’y a aucun personnage des dix dernières années », déplore-t-il, se persuadant alors de la nécessité de racheter Pixar pour redynamiser l’entreprise. C’est chose faite l’année suivante.

Commence une série d’acquisitions destinées à attirer de nouveaux publics, notamment les jeunes adultes, séduits par les franchises Marvel et ses super-héros en 2009, Lucasfilm et la saga Star Wars en 2012 et enfin celles de la 21st Century Fox (Avatar, X-Men, Les Simpson) en 2019.

Quelles peuvent être les valeurs communes d’un attelage aussi disparate ? « Le grand écart, Disney l’a déjà fait en rachetant en 1993 Miramax, la société des frères Weinstein, avec laquelle ils ont produit Scream (1996), film d’horreur de Wes Craven », constate Christian Chelebourg. Thibaut Clément nuance : « Il n’y a pas tant de différences que cela entre Disney et ces nouveaux venus. Star Wars, comme les films de super-héros, se caractérise par le manichéisme, la clarté morale, l’absence de zones grises. Sans oublier les produits dérivés ! »

Rachats et modernité

Il faut continuer à être en phase avec la société, une constante depuis Walt lui-même. « Blanche-Neige était aussi moderne que pouvait l’être une jeune fille de 1937, fait valoir Christian Chelebourg. La petite sirène, qui est en lutte contre le patriarcat, était dans l’air du temps de 1989. » Le changement de référentiel moral intervient avec le dessin animé suivant, La Belle et la Bête (1991), qui voit les enjeux de la princesse disneyenne inversés.

« Le salut de la Bête dépend de Belle, femme cultivée et intelligente, analyse Rafik Djoumi. Depuis l’arrivée d’Iger, l’autonomisation (empowerment, en anglais) des personnages féminins, noirs et LGBT s’est accélérée. » En 2009, la première princesse noire apparaît dans La Princesse et la Grenouille. En 2012, dans la série Scandal, diffusée par ABC, chaîne du groupe Disney, un conseiller du président est marié à un homme.

En 2013, La Reine des neiges ne vit pas d’histoire d’amour et encourage sa sœur à se méfier des princes trop charmants… Pour Rafik Djoumi, « cette évolution n’est pas une remise en question des principes originels du studio, mais une posture. Bob Iger incarne les valeurs des classes dominantes. Son groupe n’est pas un agent du changement, il se contente de suivre un nouvel ordre moral. »

Toujours est-il que Bob Iger pousse en permanence les curseurs vers l’inclusion des minorités… qui courent en salles voir les films où elles sont mises en scène. Les studios vont jusqu’à remettre au goût du jour ses anciens classiques, en y ajoutant ici un personnage homosexuel (le valet de Gaston dans La Belle et la Bête, 2017) ou en supprimant là une allusion jugée raciste (la chanson des siamois, chats sournois à l’apparence asiatique, a été supprimée de La Belle et le Clochard, disponible sur Disney+).

Une stratégie pour l’instant couronnée de succès. Mais le risque d’épuisement créatif guette, selon Alexandre Bohas. « C’est ce qui s’est passé après la mort de Walt Disney, en 1966, quand son frère a repris les rênes en se demandant constamment : “Qu’aurait fait Walt ?”. Aujourd’hui, ils repoussent ce moment en rachetant des univers différents. Mais n’est-ce pas une fuite en avant ? »

Trop tôt encore pour savoir si Bob Chapek, à qui Bob Iger a remis le 25 février les clés du royaume, aura la vision nécessaire pour éviter la dilution des valeurs au sein d’un territoire de marques aussi vaste. Alors que le groupe aborde un virage stratégique sur Internet avec le lancement de Disney+, devenant de fait un concurrent de Netflix mais aussi des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), rien ne dit que le groupe aux grandes oreilles parviendra à maintenir cet équilibre fragile entre business et bons sentiments.

Source : La Croix

Dernière modification par Prelogic (06-04-2020 16:22:01)


Pour empêcher les peuples de raisonner, il faut leur imposer des sentiments
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#11 06-04-2020 19:09:04

dvmy
Génie incompris qui se comprend

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

C'est juste incroyable que ce forum, depuis deux ans, veut absolument tout politiser et ne regarde plus que ce qui se passe en coulisse, décortique les intentions des uns et les messages cachés (supposés ou fantasmés) des autres. Quand je regarde un film ce dernier me parle ou ne me parle pas, ou il provoque en moi une émotion positive ou négative. C'est ce pour quoi l'art existe : provoquer une émotion. L'analyse c'est secondaire. Quand un film me touche je me fiche totalement de ce qui s'est passé en coulisse ou des opinions politiques des réalisateurs, producteurs et scénaristes. Je me fiche également de leurs opinions religieuses. Ainsi je peux apprécier certains films du très droitier Eastwood et d'autres du très chrétien Aronofsky malgré mon aversion pour les convictions de l'un et l'autre. Même certains Disney me parlent alors que je fiche totalement des valeurs familiales, religieuses et bien pensantes de l'Amérique profonde.
J'en ai marre de cette vision binaire des hommes et de cette vision binaire des œuvres. Gentil, pas gentil. Star Wars, pas Star Wars. Star Trek, pas Star Trek. Cette vision des choses je la trouve dangereuse. En art seule l'œuvre compte, pas les opinions ni les actes des artistes. Weinstein à produit des bons films, Polanski est un excellent réalisateur, l'ultra chrétien Rod Serling m'a souvent touché, Gauguin était un grand artiste.
Les générations futures n'en auront rien à faire que c'est le méchant Disney qui a produit Solo et du bordel de sa production. Ils aimeront ou pas. La politique n'a rien à foutre dans l'art. Absolument rien.

Sur le PFSTH règne désormais le délit de sale gueule: Attention celui-ci a telles ou telles opinions où intentions alors son travail n'a aucune valeur. Un peu comme le membre qui a une autre opinion que celle de la majorité: lynchage en place publique.

Dernière modification par dvmy (06-04-2020 19:54:34)


On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde. (Desproges)

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#12 06-04-2020 20:09:40

matou
modérateur

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

dvmy a écrit :

C'est juste incroyable que ce forum, depuis deux ans, veut absolument tout politiser et ne regarde plus que ce qui se passe en coulisse, décortique les intentions des uns et les messages cachés (supposés ou fantasmés) des autres. Quand je regarde un film ce dernier me parle ou ne me parle pas, ou il provoque en moi une émotion positive ou négative. C'est ce pour quoi l'art existe : provoquer une émotion. L'analyse c'est secondaire. Quand un film me touche je me fiche totalement de ce qui s'est passé en coulisse ou des opinions politiques des réalisateurs, producteurs et scénaristes. Je me fiche également de leurs opinions religieuses. Ainsi je peux apprécier certains films du très droitier Eastwood et d'autres du très chrétien Aronofsky malgré mon aversion pour les convictions de l'un et l'autre. Même certains Disney me parlent alors que je fiche totalement des valeurs familiales, religieuses et bien pensantes de l'Amérique profonde.
J'en ai marre de cette vision binaire des hommes et de cette vision binaire des œuvres. Gentil, pas gentil. Star Wars, pas Star Wars. Star Trek, pas Star Trek. Cette vision des choses je la trouve dangereuse. En art seule l'œuvre compte, pas les opinions ni les actes des artistes. Weinstein à produit des bons films, Polanski est un excellent réalisateur, l'ultra chrétien Rod Serling m'a souvent touché, Gauguin était un grand artiste.
Les générations futures n'en auront rien à faire que c'est le méchant Disney qui a produit Solo et du bordel de sa production. Ils aimeront ou pas. La politique n'a rien à foutre dans l'art. Absolument rien.

Sur le PFSTH règne désormais le délit de sale gueule: Attention celui-ci a telles ou telles opinions où intentions alors son travail n'a aucune valeur. Un peu comme le membre qui a une autre opinion que celle de la majorité: lynchage en place publique.

Merci du partage Prelogic.
Oui Dvmy ton message  tombe bien j’ai toujours dis que j’étais contre cette manière de vouloir disqualifier le travail de un artiste pour ses discours ou actes dans sa vie. Et tu as raison de le réaffirmer.
En revanche cette accusation de délit de sale gueule est fausse.

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#13 06-04-2020 20:28:41

Schmullus
membre

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

matou a écrit :

j’ai toujours dis que j’étais contre cette manière de vouloir disqualifier le travail de un artiste pour ses discours ou actes dans sa vie.

Ou bien d'en faire une publicité inversée de masse?


PIC DIS Nouilles c'est toi l'andouille

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#14 06-04-2020 20:34:07

dvmy
Génie incompris qui se comprend

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

matou a écrit :

Merci du partage Prelogic.
Oui Dvmy ton message  tombe bien j’ai toujours dis que j’étais contre cette manière de vouloir disqualifier le travail de un artiste pour ses discours ou actes dans sa vie. Et tu as raison de le réaffirmer.
En revanche cette accusation de délit de sale gueule est fausse.

C'était avant tout pour flatter ma réputation de fouteur de merde. Ceci dit je pense malheureusement ce que j'ai dit. Méchant Disney et méchant CBS donc tout ce qu'ils ont fait ou feront niveau ST ou SW sera considéré comme de la merde par la plupart des rédacteurs de ce forum.


On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde. (Desproges)

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#15 06-04-2020 20:39:01

matou
modérateur

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

dvmy a écrit :
matou a écrit :

Merci du partage Prelogic.
Oui Dvmy ton message  tombe bien j’ai toujours dis que j’étais contre cette manière de vouloir disqualifier le travail de un artiste pour ses discours ou actes dans sa vie. Et tu as raison de le réaffirmer.
En revanche cette accusation de délit de sale gueule est fausse.

C'était avant tout pour flatter ma réputation de fouteur de merde. Ceci dit je pense malheureusement ce que j'ai dit. Méchant Disney et méchant CBS donc tout ce qu'ils ont fait ou feront niveau ST ou SW sera considéré comme de la merde par la plupart des rédacteurs de ce forum.

Oui tant qu’il y aura des exécutifs ayant un mépris du public et aucun talent, cela mérite d’être critiqué. Chez Cbs, Disney, TF1, France Télé.

Schmullus a écrit :
matou a écrit :

j’ai toujours dis que j’étais contre cette manière de vouloir disqualifier le travail de un artiste pour ses discours ou actes dans sa vie.

Ou bien d'en faire une publicité inversée de masse?

Autre mâchoire du même piège en effet.
On juge de l’œuvre, le reste n’est qu’explication pour ceux voulant aller plus loin.

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#16 06-04-2020 20:46:36

dvmy
Génie incompris qui se comprend

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

Sauf que c'est plus compliqué que ça matou. Tout n'est pas blanc ou noir. Il y a toujours des choses intéressantes à fouiller. Des chefs d'œuvre sont nés de producteurs sans talent ni vision.

Dernière modification par dvmy (06-04-2020 20:47:09)


On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde. (Desproges)

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#17 06-04-2020 21:07:11

matou
modérateur

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

dvmy a écrit :

Sauf que c'est plus compliqué que ça matou. Tout n'est pas blanc ou noir. Il y a toujours des choses intéressantes à fouiller. Des chefs d'œuvre sont nés de producteurs sans talent ni vision.

Pour cela que je parle de deux éléments, le mépris et le manque de talents. De nos jours c’est plutôt des gens ayant une identité qui se font dégager par ce genre de producteurs.
Même des producteurs avec de la compétence, ont du mal à laisser le talent s’exprimer dans l’industrie des blockbusters. Marvel avait réussi à fair de l’hybridation mais le renvoi de Scott Derickson est une belle erreur tant Doc Strange lui doit énormément.
Après une horloge cassée donne bien l’heure exacte, donc les miracles existent, donc au final c’est toujours l’œuvre que l’on jugera.

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#18 06-04-2020 21:31:09

Oberon
Section 31

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

Le truc, dvmy, et je dis ça sans agressivité aucune, c'est que le ST et SW récent sont tellement écrit avec les pieds et ce avec une utilisation outrancière (voir obscène) du fan service (qui est l'opposé de l'art puisqu'il cherche à raviver de vieilles émotions plutôt que d'en inspirer de nouvelles), qu'ils sont déjà d'une médiocrité voir d'une nullité abyssale bien avant que ne tombe le couperet du label.
Et puis quand une "oeuvre" (les guillemets car les séries et les films concernés sont bien davantage des produits que des oeuvres, ne serait-ce que dans leur mode de production et leur volonté de placer des séquences bien supérieure à celle de faire un tout authentique) te prend pour un jambon, bah il se trouve que ça crée justement des émotions, mais négatives en l'occurrence. On est nombreux à avoir dit et expliqué en quoi le SW et le ST récent est mauvais indépendamment du titre, ce dernier n'étant qu'une circonstance aggravante.
Bref, on a déjà eu maintes fois cet échange et malgré nos explications, tu sembles toujours étonné.
Pour reprendre ton exemple sur Eastwood, ce mec est un épouvantable sale con, doublé d'un réactionnaire au pire degré. Mais quel réalisateur! Sauf quand il part un peu trop dans ses lubies de flic amerloque, Créances de Sang étant très certainement l'un des pires. Pourquoi? Car il n'avait rien à y dire, hormis cette espèce d'allégorie assez pathétique sur le mec à qui on greffe un coeur qui bat ensuite pour lui permettre de baiser la soeur de l'infortunée donneuse... Là, tu sens quand-même que papy avait besoin de prendre l'air, et ce non pas parce que ses opinions politiques sont parfois franchement effrayantes, mais parce que son film sent le priapisme.
Par contre, Million Dollar Baby est un chef-d'oeuvre assez indiscutable (et globalement indiscuté). Pourquoi? Parce qu'on aborde des thèmes incroyablement puissants, avec un talent de mise en scène magistral, magnifiés par une retenue et une pudeur de la réalisation qui hape littéralement le spectateur. L'opposé du cliché et putassier Créances de Sang.
Coïncidence ou respect des règles de l'art? Car ne t'en déplaise, ces règles de l'art existent et sont mondialement reconnues (mais hélas de moins en moins usitées, ce qui nous vaut un tsunami de films et séries d'une intense médiocrité). Et selon l'art concerné, elles peuvent avoir un impact considérable. C'est particulièrement marqué en peinture, dont le nombre de règles est très pénalisant pour le néophyte, mais au théâtre ou au cinéma, c'est pas anodin non plus. La simple règle des 3 unités est toujours, des siècles après son édification, d'une redoutable efficacité. De nombreux films qui pourraient endormir le spectateur deviennent tout de suite plus regardables, voir bons, si cette règle est appliquée. Car une règle, c'est avant tout une technique qui a été éprouvé et révéler son efficacité à susciter des émotions, parfois très fortes.
Tout cela pour dire que si on doit uniquement se baser sur les émotions éprouvées, sans autre prisme ou le moindre recul, alors pardon, mais le porno c'est de l'art, la preuve avec le nombre hallucinant d'érections et d'orgasmes qu'il suscite...

Ceci étant dit, je remercie Prelogic pour ces informations très intéressantes qui apporte un éclairage dont j'ignorais beaucoup sur ce titan du divertissement. Avec autant d'influences contradictoires en son sein, le futur promet d'être compliqué pour le géant qui ne peut raisonnablement pas espérer établir une ligne commune les réunissant sans les appauvrir. L'alternative est un risque d'éclatement du géant qui succomberai, à moyen terme, à son propre poids, à moins de réduire la liberté créative de certains studios pour qu'il s'harmonisent avec l'image voulu par Disney.
Dans tous les cas, cela s'annonce compliqué...


"No beast so fierce but know some touch of pity. But i know none, and therefore am no beast."
Richard 3

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#19 06-04-2020 21:52:09

dvmy
Génie incompris qui se comprend

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

Tu vois, même si SW9 est une conclusion honteuse à la saga, une conclusion médiocre à la postlogie et truffé d'incohérences et de facilités il y a tout de même des choses à en tirer. Déjà c'est un vrai film de cinéma. Le premier vrai film de JJ Abrams à vrai dire, car pour la première fois ce n'est pas réalisé comme un téléfilm. Ensuite il y a enfin de la recherche visuelle après la pauvreté des deux épisodes précédants. Et pour finir c'est un serial savoureux. Dans son rythme, dans son parfum d'aventure, dans sa représentation de Palpatine et même dans ses défauts d'écriture, facilités et autres invraisemblences inhérentes au films à épisodes des années 30 et 40. Le film explique même le pourquoi des nouveaux pouvoirs de la Force, chose dont Johnson se foutait et qu'il a inventé uniquement pour continuer à se faire rencontrer Rey et Kylo. Des pouvoirs perdus depuis des centaines de générations car ils forment une dyade... C'est peut-être une explication facile mais ça se tient et ça devient crédible. Bref tout ça pour dire que même dans ce film il y a du positif et qu'il peut aussi être jugé en tant que film tout court et pas uniquement en tant que volet de trilogie ni volet de saga.

Dernière modification par dvmy (06-04-2020 22:22:20)


On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde. (Desproges)

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#20 06-04-2020 22:18:42

dvmy
Génie incompris qui se comprend

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

J'ai un autre exemple: "l'homme bicentenaire" de Chris Columbus. Voilà un film jugé raté, mièvre, critiqué en tant que mauvaise adaptation. Pourquoi ? Parce que Chris Columbus n'est pas apprécié, parce que Robin Williams n'est pas considéré comme adapté au rôle. Parce que le fond du livre est survolé. Parce que familial. Etc...
Oui mais le film fonctionne quand même, il est même très émouvant et le propos de fond est bel et bien présent. Et n'est-ce pas là l'essentiel ? L'émotion incroyable qu'il procure l'emporte largement sur l'analyse de la réussite (ou non) de l'adaptation. Très largement. C'est même un des films les plus humains et émouvants que j'ai jamais vu.

Dernière modification par dvmy (06-04-2020 22:21:35)


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#21 06-04-2020 22:49:07

matou
modérateur

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

Une adaptation est forcément différente. Mais ce qui importe c’est ce que cela donne. Blad Runnefst une mauvaise adaptation du roman...
L’homme bi-centenaire est un film de Colombus, qui rend ses concepts accessibles à toute la famille. Colombus a des limites mais ses qualités ne sont pas assez reconnues.

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#22 06-04-2020 23:03:22

dvmy
Génie incompris qui se comprend

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

matou a écrit :

Colombus a des limites mais ses qualités ne sont pas assez reconnues.

C'est le moins qu'on puisse dire. Columbus le réalisateur est assez académique mais tout à fait correct. Columbus le scénariste est bien meilleur. C'est d'ailleurs surtout à lui et non à Spielberg qu'on doit le fameux "esprit Amblin" dont JJ Abrams se réclame avec les Goonies, Gremlins et surtout l'excellent scénario de Young Sherlock Holmes.

Dernière modification par dvmy (06-04-2020 23:04:30)


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#23 06-04-2020 23:36:37

matou
modérateur

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

Et Harry Potter lui doit beaucoup.

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#24 06-04-2020 23:54:29

mypreciousnico
Why ?

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

Rien que pour Young Sherlock Holmes, j'aime Columbus smile
Sinon, assez d'accord avec le concept "meilleur du pire" et "pire des meilleurs" exposé par Dvmy.
Après, dans le cas du Star Trek et du Star Wars actuel, je ne regarde plus parce que, en moyenne, c’est mauvais. C’est une histoire de moyenne positive ou de moyenne négative. Ici, même s'il y a du bon et des moments de grâce, bah je n'ai pas envie de me taper la merde qui va avec. Que ce soit devant le pilote de Discovery ou devant Les dernier Jedi...dans les deux cas je me suis dit "mais pourquoi je regarde ça, j'ai pas le temps de voir ce qui m'attire vraiment, là je regarde ça parce que c’est une marque que j'ai l'habitude de regarder".

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#25 07-04-2020 07:35:13

Oberon
Section 31

Re : L’industrie, l’artisanat cinématographique

L'homme bicentenaire est un très bon exemple pour aller au coeur du sujet. Nous sommes d'accord sur le fait que Columbus est d'un académisme parfois préjudiciable à ses films. Ce qui, selon moi, le distingue d'un JJ (que je qualifierai de faiseur, et non pas de réalisateur) c'est l'honnêteté de sa démarche.
Columbus fait des films honnêtes (dans le sens où le spectateur n'y est pas pris pour un tournedo) mais souffrant d'un rythme et d'une pesanteur inhérents au style du personnage. Mais il y a le fond de l'oeuvre qui est là et cette honnêteté sur la façon de conter son récit. L'homme bicentenaire est effectivement un peu lourdeau par moment, mais tout ce tient de bout en bout, et cette quête d'humanité de l'immense et regretté Robin Williams (dont je suis admiratif depuis "Toys", un film qui a eu un impact non négligeable sur mon enfance) reste profondément touchante. On regrettera juste le rythme du film, parfois très erratique...
À l'inverse, JJ est un maître de la technique, des plans punchy, et d'un rythme effréné. Mais si l'on prend uniquement cela en compte, on retombe sur mon qualificatif de "faiseur", car qu'y a-t-il au-delà de la technique? Des histoires écrites sur un coin de table, dont le coeur n'est pas un message ou une allégorie mais (et JJ s'en enorgeuillise) la mystery box. En gros, peut importe ce que l'on a à raconter pourvu qu'on le fasse avec des twist et des révélations pour la révélation, tout en finissant systématiquement le film avec plus de questions que de réponses. Au même titre qu'on reproche son style à Columbus, il convient de dire que chez JJ, l'écriture est systématiquement aux fraises. Ce mec n'est pas un artiste, c'est un prestidigitateur, voir un maître du bonneteau: "où est le scénario, messieurs dames? C'est à moi de le cacher, c'est à vous de le trouver!" N'ayant pas vu (Et n'en ayant pas l'intention, la vie passe trop vite pour gaspiller mes heures de temps libre) SW 9, je veux bien croire aux qualités que tu y trouves, dvmy. Mais je crois aussi au torrent de raccourcis et à la nullité d'écriture dépeinte par l'Odieux Connard sur son blog. Du coup, même si JJ a enfin compris comment on fait du cinéma plutôt que de la télé, je doute qu'il devienne subitement un grand cinéaste...
Car je pense que nous serons d'accord pour convenir que ce qui compte le plus avec un film, c'est ce qu'il laisse dans le temps. L'homme bicentenaire est un film tout à fait regardable, et peut se revoir avec un certain intérêt 20 ans plus tard. Pourquoi? Car les thèmes abordés sont toujours aussi forts, et les questionnements intéressants à revisiter alors que nous avançons en âge. Et puis Robin Williams est toujours aussi impressionnant et touchant...
À l'inverse, SW 7, même avec un flingue sur la tempe, c'est non pour le revoir. Le sentiment d'ennui que j'ai éprouvé en sortant de la salle à l'époque, c'était terrible, presque une dissonance cognitive: "c'est du SW, comment j'ai pu m'ennuyer à ce point?!". Et avec le temps, c'est de pire en pire. Le vernis du magicien est oublié, son décorum quasi englouti (le seul plan dont je me souvienne aujourd'hui comme d'une réussite, c'est ce plan très large où Rey descend dans la carcasse de vaisseau pour y faire de la récup), seul reste le sentiment d'avoir été baladé (péjorativement parlant).
L'homme bicentenaire, je n'ai aucun plan qui me reste en mémoire. Aucune fulgurance plastique. Mais j'en garde une impression d'ensemble qui m'inviter à y revenir, pour revivre ce voyage vers l'humain d'une machine, porté par le talent de Williams qui se régale (et nous régale) d'incarner avec tout son talent ce personnage unique.
L'honnêteté et l'envie de créer pour l'un, et la maestria d'un énorme numéro de montagne russe sans queue ni tête de l'autre.
Ce qui est triste, c'est qu'il fût une époque pas si lointaine où certains génies arrivaient à réunir les 2. Mais les Stanley Kubrick ne sont plus, et de toute manière, ce genre de personnages détestés des producteurs n'aurait plus aucune chance d'émerger dans le système actuel. Car l'un des plus grands talents de JJ, c'est sa malléabilité vis-à-vis de la prod.
Et pendant qu'on attribut à des faiseurs avec un âme d'exécutif des budgets pharaoniques pour nous servir le dernier blockbuster formaté et calibré, ce sont des centaines de réalisateurs honnêtes qui sont rembarrés et dont les œuvres ne verront jamais le jour. Comme disait Kevin Spacey à Michelle Forbes dans Swimming with sharks: "mes conneries de macho ont cartonné au box office (...) oublie tes vieux films intellos qui font chier (...) le public doit sentir vibrer ses couilles!".
Un film prophétique, avec le recul...

Dernière modification par Oberon (07-04-2020 10:34:40)


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