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#1 24-03-2020 22:48:52

yrad
admin

Le cas épineux de la saison 7 de DS9

Même les niners les plus inconditionnels perçoivent généralement une rupture entre les six premières saisons de DS9 et... la dernière ! mdr

Pour cette saison 7, Rick Berman abandonne l'intégralité du showrunning à Ira Steven Behr et Ronald D Moore qui, dès lors, vont pouvoir faire tout ce qui leur plait... damn
Au nombre des conséquences (liste non exhaustive) :
- succession d'Ezri Dax à Jadzia Dax, pour une exploration plus ambitieuse de la condition trill (mais il s'agissait là en revanche d'une initiative de Rick Berman, et certains lui en tiennent encore rigueur aujourd'hui) ;
- retcon profond avec la découverte de la nature partiellement Prophet de Sisko depuis sa naissance (sa mère biologique Sarah fut possédée par une Prophet dans le seul but de concevoir Ben), impliquant une possible nouvelle timeline rétroactive à partir de la saison 7 (les Prophets étant des aliens existant hors du temps, ils peuvent manipuler la ligne temporelle à loisir comme les six premières saisons l’ont régulièrement montré à l’instar de l’excellent DS9 04x17 Accession),
- simplification et "manichéisation" des insondables nuances de gris des six premières saisons de DS9,
- anthropomorphisation et humanisation extrêmes de la plupart des aliens récurrents de la série,
- emprunt à divers codes et mécanismes de la fantasy (sans toutefois franchir le Rubicon paradigmatique, la saison 7 reste tout de même de la SF),
- ordalies crypto-magiques en guise de bouquet final,
(…)

Autant d’éléments qui avaient à l’époque contrarié une partie des trekkers (sans qu’ils parviennent forcément à mettre le doigt sur l’origine du malaise), tout en enthousiasmant les autres (notamment les plus sensibles aux souffles épiques et à l’allégorisation des personnages).

Faut-il donc considérer cette septième et dernière saison comme un ratage voire une trahison (potentiellement préjudiciable à la qualité/cohérence de l’ensemble de la série)... ou à l’inverse... comme une audace voire une transcendance (enrichissant six saisons très pragmatiques d’une dimension conclusive plus métaphorique) ?

La question fut souvent débattue dans le topic général de la série DS9*, mais autant dédier un nouveau fil à ce sujet épineux quoique passionnant...

* Pour vous replonger dans l'ambiance du sujet, vous pouvez vous reporter (entre autres) à ce long post et aux suivants...
forums.startrek-fr.net/viewtopic.php?pid=29358#p29358


« Science fiction is the most important literature in the history of the world, because it's the history of ideas, the history of our civilization birthing itself. Science fiction is central to everything we've ever done, and people who make fun of science fiction writers don't know what they're talking about. »
Feu Ray Bradbury

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#2 09-06-2020 22:47:23

Oberon
Section 31

Re : Le cas épineux de la saison 7 de DS9

Yrad, je t'informe que j'ai (enfin !) fini mon revisionnage de DS9. Un exercice aussi stimulant par moment que laborieux à d'autres, car autant je ne change pas d'avis sur les points forts de la série, autant cette effroyable saison 7 me semble au-delà de toute rédemption.
Les mutations sociales simultanées des Ferengi, Cardassiens et des Klingons sont bien trop grosses pour être crédibles. La déchéance de Gowron m'est apparu aussi artificielle que la première fois, et la promotion en Nagus de Rom est toujours aussi absurde.
Je trouve vraiment dommage que RDM et Behr n'aient pas fait preuve d'une plus grande rigueur de l'écriture (pourtant présente jusqu'au début de la saison 6) pour la conclusion de cette néanmoins grande série Trekienne.
Sans parler de Sisko et son ascension en tant que prophète (qui mérite sanction du spectateur pour l'allégorie pseudo christique qu'elle incarne), le reste démérite beaucoup lui aussi. Il y a bien quelques pépites dans cette saison mais elle se retrouvent noyées sous un torrent d'épisodes plus que médiocre, de part le traitement social et structurel expédié et les personnages en régressions marquées.
C'est d'ailleurs très injuste, quand on y pense, que DS9 ai été si populaire avec ces réels défauts quand on voit le bashing déloyal que subira ENT.
De là à dire que le public préfère les facilités avec effets de manches à une rigueur méthodique de l'écriture, il n'y a qu'un pas...


"No beast so fierce but know some touch of pity. But i know none, and therefore am no beast."
Richard 3

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#3 07-08-2020 23:29:02

yrad
admin

Re : Le cas épineux de la saison 7 de DS9

Oberon, ton CR de visionnage de DS9 m'a beaucoup intéressé, et j'ai été très frustré de n'avoir pas été en mesure de te répondre en temps réel... 

Si tu creuses dans les archives du forum UF/PSTF, tu constateras que dans le passé, de nombreuses années avant d'avoir l'honneur de te connaître, j'avais moi-même adressé à la septième saison (mais toutefois pas à la sixième) de DS9 exactement les mêmes reproches que toi... voire davantage.
Je suis même allé très (trop ?) loin dans les critiques, aiguillonné que j’étais alors par les débats sophistiques avec l’ami Buckaroo (un exercice qui conduit parfois à une radicalisation de la pensée, ou du moins à une expression dépassant la pensée réelle).
Il était difficile de ne pas détecter dans ce brutal décrochage qualitatif de la saison 7 de DS9 le symptôme de l'abandon complet par Rick Berman du showrunning de la série à Ira Steven Behr et Ronald D Moore – des auteurs qui donnaient le meilleur d'eux-mêmes lorsqu'ils étaient chapeautés par quelqu'un (comme Berman) ayant à cœur les intérêts supérieurs de l’univers, c'est-à-dire sa cohérence interne, sa philosophie, sa continuité millimétrée.
Mais lorsqu'ils furent livrés à eux-mêmes, les délires et les fantasmes personnels ont rapidement pris le dessus, et la crédibilité de la série en a pâti. Il s'agit là d'un vrai cas d'école qui mériterait d'être enseigné dans les cours de production et d'écriture.

Décrochage brutal en effet, car je n'incluais pas la saison 6 de DS9 (toujours co-showrunnée par Berman) dans cette "déchéance", car hormis peut-être l'épisode DS9 06x21 The Reckoning (qui flirte un peu beaucoup avec la fantasy), la rigueur et la maîtrise narratives y sont toujours bel et bien au rendez-vous, pour un enchainement très dense d’épisodes exceptionnels, et même certains des meilleurs chefs d'œuvre de toute la franchise ST (e.g. DS9 06x09 Statistical Probabilities, DS9 06x13 Far Beyond The Stars, et DS9 06x19 In The Pale Moonlight pour n'en citer que trois). La fin de la saison 6 (DS9 06x26 Tears Of The Prophets) représente aussi un grand moment du rock'n'roll et il aurait pu offrir à la série une de ses plus belles fins, anticonformiste et anti-hollywoodienne au possible.
Pour autant, et sans rien renier in abstracto de ce que j'ai pu écrire de négatif sur la saison 7 de DS9 à l'époque, j'ai petit à petit relativisé et nuancé ses défauts in situ...
Déjà en raison de la médiocrité croissante de la SF télévisuelle ayant suivi, surtout à partir du milieu des années 2000. Tout jugement demeure un exercice largement relativiste, cette même démarche m'ayant conduit à revoir considérablement à la hausse l'univers de Stargate alors que je ne l'aimais guère à l'origine (à tel point que SG Universe est aujourd’hui l’une de mes séries préférées, tout genre confondu).
Mais surtout pour avoir pris connaissance des nombreuses explications apportées pendant et après par les auteurs eux-mêmes... Car à la grande différence d'escrocs décomplexés comme Alex Kurtzman et Michael Chabon dont le pseudo-SAV post-diffusion réussit à être encore plus faux-cul et manipulatoire que les discours de Donald Trump, les nombreuses justifications apportées par ISB et RDM furent toujours sensées et intellectuellement honnêtes. Ils témoignaient d’une connaissance experte et profonde du Trekverse et avaient pleinement conscience du caractère polémique de certains de leurs choix. C’était aussi une façon pour eux de s’affranchir symboliquement – le temps d’une saison – de ce qu’ils avaient vécu durant des années comme le "carcan bermanien".
Perso, en tant que spectateur et trekker, je prise et valorise au plus haut point ledit "carcan" ; mais malgré tout je peux comprendre le point de vue de l’auteur qui se sent bridé sans sa créativité… si ce n’est que, le plus souvent, celui-ci n’a pas conscience que ce sont justement ces contraintes qui favorisent la meilleure créativité.
Non pas que j’ai été forcément convaincu par leurs arguments ni que je sois désormais moins en désaccord avec leurs choix, mais j’y ai néanmoins détecté une réflexion intelligente en amont et de véritables partis pris d’auteur en aval.
Hélas, comme dans le cinéma d’auteur et d’art & essai, et à l’instar de Manny Coto sur la saison 4 de ENT, ISB et RDM se sont laissé aller à l’onanisme. Une posture (voire un relâchement) qui peut accoucher du meilleur comme du pire, mais qui conduit le plus souvent à ce que l’on nommera une "œuvre à thèse" (potentiellement contestable mais enrichissante malgré tout).

Bien que souvent agaçants, de vrais auteurs brillants qui cherchent avant tout à se faire plaisir demeurent tout de même plus estimables que de faux auteurs indignes qui cherchent uniquement à plaire au public. Car l’exercice de la création n’obéit pas au même paradigme que celui de la démocratie (ou du clientélisme).


« Science fiction is the most important literature in the history of the world, because it's the history of ideas, the history of our civilization birthing itself. Science fiction is central to everything we've ever done, and people who make fun of science fiction writers don't know what they're talking about. »
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#4 08-08-2020 00:12:54

Oberon
Section 31

Re : Le cas épineux de la saison 7 de DS9

Je te sais gré de tes lumières sur la saison, dont je connaissais les grandes lignes (Berman s'effaçant progressivement pour permettre à ses "enfants" de s'émanciper de "papa") mais j'en ignorais les détails. J'ai également déterré sur UF nombres de tes échanges (o combien répétitifs et fastidieux, sois donc assuré de ma sympathie sans réserve) avec Buckaroo. Par-delà l'exercice exténuant que cela a dû être, j'en apprends chaque jour sur TNG, Voyager et DS9.
Buck est pour moi emblématique d'un certain public qui se polarise sur l'héroïsme de Kirk au point d’en faire le prisme de leur appréciation.
Pas étonnant dans ces conditions que RDM et Behr lui parlent d'avantage, vu que leur règne a amené des duels façons DragonBall entre les prophètes et les Pah Wraith, la prédominance de l'individu d'exception (ou carrément élu comme avec Sisko) sur les forces lourdes de la société, et de l'héroïsme dégoulinant (vous reprendrez bien une tasse de sacrifice cosmique pour la route, très cher?) ad nauseam.
Quelques furent leurs raisons, le résultat est bien là, et sans appel : cette saison 7 est une involution qui a plu à la frange du public dont les critères d'appréciations sont plus superficiels que d'autres.
Un constat qui ne donne pas de quoi pavoiser...

Alors j'entends encore et toujours ton argument relativiste face aux produits standardisés aux normes plus que médiocres du système actuel. Et tu sais que j'en tiens compte... jusqu'à un certain point.
Et ce point constitue la différence entre Braga et RDM: l'humilité.
Car avec tout le respect que j'ai pour lui, Ron ne se prend pas pour un pépin de mandarine et s'estime d'ailleurs meilleur que son "petit frère" de ST, ce cher Brannon.
Inversement, Braga est connu pour son humilité parfois excessive, au point d'acter certaines critiques des fans qui méritaient au mieux une fin de non-recevoir.
Il se trouve que j'ai relu, il y a quelques jours, un de tes posts où tu affirmais préférer le comportement de RDM, qui est capable de prendre du recul sans sombrer dans l'auto-flagellation.
Et je pense que le coeur de nôtre divergence d'opinion (somme toute marginale) se situe là.
Ce monde agonise culturellement et socialement d'un manque d'humilité que trop peu d'individus partagent. Et comme celle-ci a pour corollaire d'hésiter avant de marcher sur une œuvre ou une personne, j'aimerais voir d'avantage d'individus la partager.
Elle aura permis à Braga d'apprendre de ses erreurs sur VOY (pourtant plus ambitieuse et difficile que DS9) pour donner cette pépite qu'on appelle ENT.
Et c'est cette même humilité qui lui fait donner son meilleur dans The Orville, la dernière vraie série Trekienne en date.
Difficile de ne pas admirer d'avantage cet homme que RDM, en ce qui me concerne...

Quand à ta réflexion sur le carcan qui fait donner le meilleur de soi-même, je ne puis qu'être en total agrément.
Au final, c'est quand le gardien du temple et les jeunes loups arrivent à travailler en symbiose que l'on obtient les créations les plus fines.
Tapisserie est l'exemple type d'une idée de génie de RDM sublimée par l'exigence et les règles de Berman, et ce n'est qu'un exemple parmis bien d'autres....
Mais, et cela m'attriste, Berman était un ovni, une anomalie unique dans l'histoire des studios.
Ce qu'il a fait, soit de donner sa chance à de parfaits néophytes car il admettait avoir besoin d'une nouvelle perspective, c'est peut-être le paroxysme de cette humilité dont le parlais, avec un zeste de générosité non négligeable.
Aujourd'hui, ce serait à Shankar, Echevarria, RDM et Braga de faire la même chose. De donner à leur tour une chance à de nouveaux talents de sortir des rangs sans avoir à subir le système en place. De rendre cette opportunité extraordinaire qu'ils ont reçu d'exercer leur art dans des conditions idylliques.
J'espère qu'au moins l'un des 4 le fera avant de prendre sa retraite, cela me rendrait plus optimiste...


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Richard 3

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#5 08-08-2020 02:42:24

yrad
admin

Re : Le cas épineux de la saison 7 de DS9

Ah mais, Oberon, je souscris sans réserve à ce que tu écris - et que tu déplores avec douleur - sur le manque d'humilité dans la profession des auteurs/producteurs (et dans notre monde en général).
Du coup, si divergence causale d'opinion il y a entre nous, elle ne se situe probablement pas là...

Même si je n'ai plus exactement à l'esprit la formulation exacte de mon intervention sur le forum, il y avait forcément un contexte discursif (ou des références à de pesants débats cycliques antérieurs avec d’autres membres) qu'il faut prendre en compte pour comprendre la finalité ou le sens réel de mes propos.
Car je n'ai jamais manqué une occasion d'apporter un soutien inconditionnel à Brannon Braga - qui reste mon scénariste préféré de Star Trek... et que j'ai d'ailleurs eu la chance de rencontrer IRL... zen

Donc pour en revenir au post auquel tu fais référence, Oberon, mon objectif (de mémoire) était certainement de contrer la tendance ultra-malhonnête de certains trekkers de la communauté à utiliser tous les mea culpa publics de Braga pour enfoncer Enterprise et faire du Berman bashing. Car les autocritiques sont des richesses et des raretés qui ne sont pleinement appréciables que par les individus intellectuellement honnêtes de leur côté, les autres n'ayant quant à eux aucun scrupule à utiliser cette intégrité (que eux-mêmes ne possèdent pas) contre ceux qui la possèdent.
Dans un monde de pourris, l'intégrité et l'humilité sont des élégances (des formes de noblesse pourrais-je écrire) à double-tranchants voire contre-productives.
Et c'est en réalité pour défendre l'œuvre de Braga contre lui-même, pour défendre ses idées géniales passées (comme la Temporal Cold War) qu'il a hélas parfois tendance à renier aujourd'hui par auto-flagellation sous l'empire des basheurs (mais hélas à leur plus grande satisfaction) que j'ai cité tactiquement en exemple RDM (alors que j'ai moins d'estime pour ce dernier, et cela pour les mêmes raisons que toi, je l'ai d'ailleurs souvent écrit sur le forum).

Malgré tout, même moins génial que Braga et même arrogant contrairement à lui, RDM demeure incomparablement plus estimable que des escrocs comme Kurtzman. Tout est relatif encore une fois.


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#6 09-08-2020 01:50:35

Oberon
Section 31

Re : Le cas épineux de la saison 7 de DS9

Pour tout te dire, je jalouse un peu la chance que tu as eu de rencontrer Braga. Il est l'une des rares célébrités (relative, j'en conviens, mais il est toujours bien plus célèbre que 99% des gens) à qui je donnerai cher pour passer une soirée en sa compagnie.

Et, oui, face à Kurtzman, ce magnifique enfoiré de RDM est infiniment plus respectable. Enfoiré car son arrogance et certains choix d'écritures trahissant une opinion de lui-même bien supérieure à celle de son public méritent d'être pris en considération. Cette fichue saison 7 en est d'ailleurs un exemple éloquent... Magnifique car il a tant nourri la SF en 3 décennies qu'il a indiscutablement sa place au panthéon des pilliers du genre.
En comparaison, je n'accorde même pas le titre d'escroc à Kurtzman, car n'est un escroc que celui qui a réussi à tromper son public. Dans la mesure où nous dénonçons la nullité de son ST depuis 2009, il n'est pas un escroc, mais plus simplement un nul incompétent imbu de lui-même, soutenu mordicus par une production cupide et méprisante.
En comparaison, traiter Ron de magnifique enfoiré tient de l'éloge sans réserve, je pense que tu en conviendras...


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#7 17-08-2020 16:30:19

Oberon
Section 31

Re : Le cas épineux de la saison 7 de DS9

Yrad, j'ai lu ta seconde critique de Lower Decks. Heureusement que tu dis qu'elle est expédié, car ça ne se voit guère... Oui, le ton est différent, mais tu restes aussi carré qu'à l'ordinaire, à l'exception que tu ne t'embrasse plus de redémontrer ce que tu as explicité 50 fois. Aucun problème à ça.
Je suis obligé de le dire, en revanche : tu as osé. Oser citer l'ascension au pouvoir de Rom pour enfoncer la série... Yrad... Tout de même... mdr
Je sais que tu vas me répondre que face à une telle bouse, même la saison 7 de DS9 devient regardable (encore qu'entre la peste et le covid, je préfère juste rester en bonne santé) mais utiliser l'un des éléments les plus bancals et incohérent du ST Bermanien pour attaquer la crédibilité de cet étron, ça fait quand-même bizarre...
Pour le reste, tu n'hésites pas à mettre en avant ta lassitude, mais cela à davantage l'effet de renouveler la curiosité du lecteur que de provoquer son désintérêt, je pense donc que la stratégie est probante. J'aimerais en dire autant de ton idée de convoquer Rom en exemple comparatoire, hélas bien trop litigieuse pour moi...


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#8 19-08-2020 02:50:11

yrad
admin

Re : Le cas épineux de la saison 7 de DS9

En ce qui concerne ma dernière critique de Lower Decks, je me suis en effet permis d'invoquer l'ascension de Rom, car même si je réprouve à la base autant que toi cet onanisme d'Ira Steven Behr, il n'en est pas moins canon dans la timeline historique, et surtout, ce n'est pas un parti pris qui entre dans la catégorie des incohérences (je suis très restrictif dans l'emploi de cet "anathème"-là, ce qui donne une idée de la nullité abyssale du ST kurtzmanien qui enchaîne les vraies incohérences par dizaines dans chaque épisode) !

L'un des thèmes saillants de DS9, c'est l'impérialisme de l'UFP : non par la conquête, non par l'infiltration, non par le libéralisme ou la ploutocratie, ni même par l'idéologie... mais un impérialisme involontaire, par voie de séduction. Une irrésistible séduction... bien plus puissante que le bouclier néguentropique de la "Prime Directive". C'est ce contre quoi mettait régulièrement en garde Quark, désespéré et impuissant, durant les sept saisons de la série. Et c'est aussi ce qui valut à DS9 l'une des meilleures lignes de dialogues de toute la franchise lorsque Eddington asséna à un Sisko fou furieux (dans DS9 04x22 For The Cause) que l'utopique Fédération était en fait pire que les Borgs ! Eh bien l'ascension inattendue de Rom à la fin en est l'illustration, une parmi d'autres.
Le ST kurtzmanien (aussi bien dans Discovery que dans Picard) nous inflige de perpétuelles trahisons de l'utopie, alors que la ST roddenberro-bermanien (même dans ses extensions behriennes et mooriennes) proposait une étude ambitieuse des corollaires d’une utopie véritable...

Pour autant, cela n'implique pas que Rom réussira à anthropomorphiser l'ensemble de la société ferengie du seul fait d'être devenu Grand Nagus. L'Histoire a assez montré que lorsque la dichotomie est trop grande, un dirigeant se retrouve isolé, écarté, déposé, ou assassiné.
La station Deep Space 9 fut un microcosme où certaines évolutions sociétales furent fatalement accélérées, mais à l'échelle de toute l'Alliance Ferengie, une telle évolution sera fatalement plus lente (si tant est que celle-ci ait lieu).
L'épisode VOY 07x06 Inside Man, pourtant chronologiquement deux ans postérieur à l'ascension de Rom, eut l'intelligence de montrer que les Ferengis n'avaient guère changé...
Pas d'incohérence donc.

De toute façon, au risque de contrarier l’ami Dvmy, je maintiens les vraies incohérences sont quasi-inexistantes dans Star Trek entre 1964 et 2005. tongue


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#9 19-08-2020 03:31:58

Oberon
Section 31

Re : Le cas épineux de la saison 7 de DS9

Concernant Rom... Non, navré, je n'accepte pas ton analyse Eddingtonesque.
D'une part, parce que c'est sur l'impulsion de Moogie (Ferengi qui nourrit peu d'intérêt pour la fédération hormis la place des femmes en leur sein) qui manipule papy Zek à la manière d'une courtisane pour décrasser le système Ferengi. Donc l'influence de l'UFP dans ces mesures draconiennes est pour le moins discutable.
Ensuite, parce que Rom est le pire homme d'affaires au monde. S'imaginer que sa présence au pouvoir suprême provoque autre chose qu'une fuite de capitaux sans précédent est une gabegie. Hors Moogie a de sacrés lobes vu l'empire commercial qu'elle a érigé en secret. Il est donc impensable qu'elle accepte comme idoine la nomination de son second fils, qu'elle aime mais sur lequel elle est très lucide quant à ses compétences.
Pour finir, Rom est devenu ingénieur de Starfleet, et on n'imagine pas comment ce seul critère ne le discrédite pas instantanément.
La saison 7 reste un cauchemar pour moi, où j'assiste impuissant à la destruction de personnages que j'ai appris à aimer pendant 6 ans. Ors, sur cette seule nomination, Rom (qui devrait instantanément refuser) Moogie, Zek et Quark (il pourrait saborder cette nomination au lieu de l'accepter et n'en fait rien) sont en telle rupture avec eux-mêmes que je ne les reconnais pas, et ne veux pas les reconnaître.
Si pour toi, ce n'est pas une incohérence, concluons en que mon curseur est un peu plus chatouilleux que le tien...


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Richard 3

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#10 19-08-2020 22:28:37

yrad
admin

Re : Le cas épineux de la saison 7 de DS9

Mon "analyse eddingtonienne" (comme tu dis wink) ne s’appuie pas seulement sur l’analyse du contenu de la série, mais également sur une déclaration de Rick Berman et Michael Piller (au voisinage de la saison 3 de DS9) dans laquelle ils avaient déclaré que l’un des objectifs narratifs de DS9 était d’étudier les implications insoupçonnées et les effets indésirables d'une véritable utopie.

Ainsi, avec la Section 31 (la vraie et non la mauvaise parodie de Kurtzman), DS9 aura montré le prix réel insoupçonné d’une utopie crédible.
Et avec l’évolution des Ferengis, mais aussi des Klingons et des Romuliens dans une moindre mesure, DS9 en aura mis en scène l’une de ses conséquences : l’anthropomorphisation des extra-terrestres, mais avec "anthropomorphisation" entendu comme synonyme trekkien "d’UFP-morphisation".

Et donc, il y a bel et bien eu une "UFP-morphisation" progressive de Rom (il suffit de voir son comportement beaucoup plus classiquement ferengi durant la première saison...), mais aussi des autres Ferengis. Au contact assidu de l'UFP, Quark lui-même a significativement évolué (cf. par exemple le formidable DS9 05x18 Business As Usual).

Quant au "décrassement" (ou "décrassage" quoique le sens ne soit pas exactement le même) de la société ferengie voulu par Ishka, celui-ci va "comme par hasard" dans le sens du progressisme de l'UFP (à l’exception du libéralisme mais faut pas en demander trop d'un coup lol), précisément à partir du moment où l’Alliance Ferengie se met à côtoyer assidûment le Fédération (par-delà la seule station DS9), et précisément durant la période où les deux fils d’Ishka se mettent à vivre en un lieu administré par l'UFP (et où le Nagus Zek se rend lui-même souvent...).
Si l'on met tout cela en perspective avec la façon dont les Ferengis se comportaient lorsqu'ils n'étaient presque pas en contact avec l'UFP (auparavant dans TNG et ENT), il est tout de même difficile de ne pas envisager une relation de causalité ou d’influence, mais évidemment pas (ou peu) consciente chez les personnages eux-mêmes, comme il peut en être dans un impérialisme involontaire de séduction (se traduisant notamment par un mimétisme inconscient ou par une réappropriation imitative).

Encore une fois, je réprouve moi aussi les choix d’auteur dans la saison 7 de DS9, car il sont simplificateurs et paupérisants (comme toute entropie peut l'être).
Mais je réprouve ces choix essentiellement parce que les motivations de Behr et Moore étaient alors essentiellement onanistes (se faire d’abord plaisir) et potentiellement un peu démago (flatter les attentes soapesques ou "happy end" des spectateurs) que vraiment systémiques et structurelles (poursuivre de façon crédible l'anthropomorphisation subtile entamée dans les premières saisons de "DS9"). Behr et Moore ont eux-mêmes avoué en interview avoir cherché à trop humaniser nombre d'aliens dans "leur" septième saison de DS9 en raison du grand attachement affectif qu’ils leur portaient.
Du coup, le résultat est maladroit, trop rapide et pas assez distancié.

Mais comme la série DS9 n'a pas non plus mis en scène les conséquences de l'accession de Rom à la charge de Grand Nagus, il serait prématuré d'y voir à proprement parler une incohérence. Disons qu'au moment où la série DS9 s'est achevée, c'était surtout une facilité ou un parti pris d'auteur décevant. Mais pas "davantage".
Car si ça se trouve, l'absence totale de compétence commerciale/financière de Rom le conduira à abandonner cette charge de Nagus en un mois, ou à l'inverse (et plus probablement) à devenir le faux nez de sa mère Ishka… qui aurait ainsi fait le choix de promouvoir Nog pour être elle-même la Nagus par proxy, car elle savait que c'était bien celui de ses deux fils qu'elle pouvait le plus aisément téléguider/contrôler...
À défaut, la cas disruptif d’un Rom devenu Nagus à contremploi avait été en quelque sorte préfiguré par DS9 03x15 Prophet Motive...

Bref, Oberon, je ne sais pas si ton curseur est plus chatouilleux que le mien... Mais disons que je m’efforce de bien distinguer les divers types de défauts. Et une incohérence correspond à une situation qu’il n’est pas du tout possible d’expliquer – même avec de l’imagination et même off screen.

J’étais autant remonté et indigné que toi lors de mes deux premiers visionnages de DS9 (il y a bien longtemps). Mais le temps et le recul m’ont inspiré bien des réflexions sur le sujet, et le (vrai) Star Trek pré-2009 était tellement qualitatif que même dans ses moments les moins réussis, il demeurait malgré tout riche et nourrissant.
Et puis, les déclarations (toujours intelligentes et respectueuses - ce n’est pas Kurtzman ou Chabon) de Behr et Moore auront eu une fonction éclairante...
Sans compter l’effet relativiste induit par la médiocrité de la SF télévisuelle qui a suivi le joyaux Enterprise.
Tout cela m’a donc progressivement conduit à faire la paix avec cette septième saison de DS9.

Elle reste aujourd’hui pour moi la matérialisation d’un cas d’école, lorsque des auteurs brillants, mais à l’origine encadrés par un Rick Berman porté par une véritable hauteur de vue (i.e. soucieux avant tout de la crédibilité profonde de l’univers) se retrouvent livrés à eux-mêmes, libres d’assouvir tous leurs fantasmes.
Le résultat demeure intense et polémique, avec de grands moments de fulgurance (comme les exceptionnels épisodes DS9 07x17 Inter Arma Enim Silent Leges, DS9 07x07 Once More Unto de Breach et DS9 07x14 Chimera)… MAIS aussi de grands moments de déception (≠ incohérence) comme l’involution de Dukat, l’humanisation (≠ "UFP-morphisation") excessive des Ferengis, la perte de complexité des six premières saisons, le duel manichéen avec les Pah-wraiths...

Cette septième saison de DS9, aussi décevante qu'elle soit, aura finalement eu le "mérite" d’être une source de débats sans fin dans la communauté, car son contenu est polysémique, interprétable de nombreuses façons différentes.
À l’exemple de l’ascension finale de Sisko qui peut aussi bien être perçue comme une "allégorie pseudo-christique" (en effet)… que comme une célébration de l’évolutionnisme (façon Kes dans VOY)… ou encore comme une gifle "méta" adressée aux fans les plus fétichistes (Behr ayant déclaré qu’il en avait un peu marre de la façon dont les fanboys avaient tendance à diviniser les capitaines de Starfleet depuis TOS très inclus, alors il a décidé de les prendre au mot pour la fin de DS9).


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Feu Ray Bradbury

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#11 22-08-2020 07:54:59

Oberon
Section 31

Re : Le cas épineux de la saison 7 de DS9

Ah, mon ami, tu me rappelles un collègue que j'ai connu quand j'étais VRP, capable de vendre n'importe quoi à n'importe qui. Ce qui est un compliment à double tranchant, car il se prenait parfois quelques délais de rétractation bien sentis...
Il n'en reste pas moins que ta nouvelle salve d'arguments est assez implacable (bravo pour la thèse ou Ishka se sert de Rom comme d'un faux nez, c'est d'une cohérence parfaite et je n'y avais pas pensé !) et les infos sur le dessous des cartes avec Behr et RDM sont très intéressantes.
Bref, tu remportes cet échange sans même un bémol, je m'avoue pleinement (con)vaincu ! mdr

Je ne pense pas que cela change mon déplaisir quand je revisionnerais la saison 7, mais cela devrait un peu calmer mon hystérie devant le spectacle... même si savoir que cette fin est avant tout destinée à flatter la frange aux goûts les plus superficiels du public m'irrite sous un jour nouveau. Je confirme donc que RDM est décidément un enfoiré. Magnifique, certes, mais un enfoiré tout de même...

Je conclus sur l'expression de mon plaisir le plus sincère à retrouver ce genre d'échanges avec toi, instructifs et stimulants.
Et aussi toujours une petite leçon d'humilité...


"No beast so fierce but know some touch of pity. But i know none, and therefore am no beast."
Richard 3

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